Vous aussi, vous attendez d’être convaincus?

On entend souvent beaucoup d’idées reçues sur les droits de l’Homme. Ces a priori affaiblissent considérablement leur efficacité juridique. Les discours ne sont pas frontalement opposés aux droits humains - quoi que... - mais ils sous-entendent qu'il ne s'agit pas d'un concept juridique aussi sérieux que les autres.

"Les droits de l'Homme? J'attends d'être convaincu", ai-je déjà entendu. Cette réponse est symptomatique d'un certain scepticisme encore assez répandu parmi les avocats: les droits de l'Homme, c'est bien, mais à quoi est-ce que cela sert-il vraiment en pratique?

L'avocat et les droits de l'Homme

Beaucoup d'avocats n'ont pas une pratique quotidienne du droit des droits de l'Homme. Cette difficulté à (re)placer le droit des droits de l’Homme au coeur des réflexes de tout avocat est d’autant plus paradoxale que l'avocat en constitue l’une des figures d’expression les plus importantes: lui, le défenseur des libertés, le défenseur de l’Homme.

Dans le monde pressé des avocats, les présupposés sur les droits humains se déclinent, principalement, de deux façons différentes. Pour gagner en efficacité, il faudrait renoncer à ces deux croyances.

Croyance 1: les droits de l’Homme, c’est autre chose

Un premier écueil consiste à confondre le contenu des droits de l'Homme avec les procédures spécifiques qui en contrôlent le respect. On en déduit alors qu'il s'agit d'un droit à part. Or, si les procédures sont bien spécifiques, le contenu des droits est transversal.

Le contenu transversal des droits de l'Homme

Il n’y a pas de situation "droits de l’Homme" en tant que telles: il y a une question de droit pénal, de droit du travail, de droits de la défense, de droit des contrats etc. lue à la lumière des principes de protection des droits.

La dimension droits de l’Homme vient s’ajouter aux catégories déjà bien connues et maniées des avocats: la CEDH s’applique bien à toutes les branches du droit et les arrêts rendus par la Cour européenne couvrent l’ensemble des domaines juridiques pratiqués par tous les avocats. 

La spécificité des procédures européennes de garantie

En revanche, les procédures devant les organes européens de protection des droits sont, elles, des procédures spécifiques. Ainsi, la procédure devant la Cour européenne répond à des conditions différentes de recevabilité, de computation des délais, de vocabulaire, de présentation de la requête, qui constituent le droit procédural particulier des droits de l’Homme au niveau européen. 

Il ne s'agit pas de faire de tous les avocats des spécialistes de cette procédure particulière. Il s'agit de donner à tous les avocats un outil supplémentaire dans l'exercice de leur matière habituelle.

Croyance 2: les droits de l’Homme, c’est plus tard

Le second écueil est de nature temporelle: les droits de l’Homme, on y pensera après, le jour où l’on n’aura épuisé tous les autres arguments, si tant est que ce jour arrive; au moment, en somme, où l’on n’aura vraiment plus rien à dire. La procédure européenne étant distincte de celle nationale, on renvoie à plus tard le moment de s’y pencher.

Or c’est dès la phase interne que se construit une requête CEDH. L'obligation européenne d'épuiser les voies de recours internes imposent à tous les avocats - quel que soit leur domaine d'intervention - de prendre le contenu des droits de l'Homme en considération dès la phase interne du dossier.

Tout cela ne s’improvise pas. Tout cela se prépare. Le plus tôt possible et le plus précisément possible, faute de quoi la requête à intervenir sera dès le départ amputée de ses atouts.

La nécessité d'anticiper une éventuelle saisine CEDH

L’épuisement des voies de recours internes impose de soulever - au moins en substance -  dès la phase nationale le grief tiré de la violation d’un droit fondamental garanti par la convention (et par le droit interne, ne l'oublions pas). Sans cette démarche, toute requête ultérieure est vaine.

Cet aspect commence à prendre une place parmi les habitudes de la profession même s’il arrive encore de devoir argumenter ardemment devant la juridiction européenne pour démontrer l’épuisement. 

La nécessité d'anticiper concrètement une éventuelle saisine cedh

En revanche, un aspect plus technique n’a pas complètement émergé: il importe, pour conserver des chances de succès devant la Cour européenne, d’être en mesure de prouver les allégations de violation que l’on formule. Basique, direz-vous.

En pratique toutefois, rares sont les cas où le raisonnement est poussé à son terme: lorsque la procédure est orale il faut, pour être pleinement efficace au niveau européen, anticiper l’application des principes dégagés par la Cour en la matière et qui font davantage référence à une procédure écrite.

Comment démontrer que le grief d’atteinte aux droits de la défense a bien été soulevé? Plus encore: comment prouver que la présomption d’innocence n’a pas été respectée lorsque le procès-verbal d’audience relate peu ou rien?

Dans un autre registre: comment prouver que l’on a tenté plusieurs fois d’accéder à un bâtiment public en fauteuil roulant sans arriver à y entrer? Ou encore: comment démontrer que les conditions de traitement des personnes dans un pays de renvoi sont contraires à la CEDH?  

Cette démarche est loin d’être anodine puisque faute d’éléments, la Cour se contentera de ce qu’elle a: la règle de droit qui présente de moins en moins souvent de difficultés flagrantes par rapport aux droits de la personne. L’action européenne ne portera donc pas sur le bon sujet à savoir le hiatus entre les mots et leur vécu. 

Conclusion: n'inversez pas les rôles

Si, vous aussi, quand on vous parle de droits de l’Homme vous répondez comme d’autres: “j’attends d’être convaincu”, avec un air des plus sceptiques, n'attendez plus.

C’est notre métier de convaincre: donnez-vous des chances supplémentaires de le faire et venez à nous pour vous aider à construire une stratégie procédurale efficace en matière européenne dès le début du contentieux national ou de la phase européenne.

M.B.


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